Association Place-Neuve
 

 

 



GENEVE - Oser paraître
Revue de presse

  Radio Suisse Romande
Espace 2
Emission :
Dare-daredu 26 octobre 2004




© Photographie Denis Ponté, 25 octobre 2004



  Le Temps - samedi culturel du 19 février 2005

Genève dans le miroir de son théâtre

HISTOIRE. Serge Arnauld a signé un ouvrage monumental qui dresse l'histoire du
théâtre et de l'opéra dans la Cité de Calvin. Trois volumes nourris de chroniques et de
documents pour tracer l'édification du Grand Théâtre.


Serge Arnauld. Genève – Oser paraître. Mentalités, goûts et mœurs au regard du théâtre.
Association Place Neuve, 525 p.


C'est un puits de science. C'est surtout un torrent d'émotions. Serge Arnauld parle avec
force et volubilité. Il ne tarit pas d'anecdotes sur l'histoire du théâtre et de l'opéra à
Genève. Depuis quinze ans, ce Genevois né à Chêne-Bougeries a rassemblé des
informations pour bâtir une œuvre monumentale. Oser paraître, comme le suggère son
titre, est davantage une réflexion sur le comportement du Genevois face au théâtre que sur
le théâtre lui-même. Trois volumes, nourris de chroniques et de documents historiques,
pour animer la mémoire d'une institution – le Grand Théâtre de Genève – dont l'histoire
oscille entre amour et haine. Comme si le plaisir et la jouissance ne pouvaient se passer de
sacrifices et de conflits d'intérêts.

Samedi Culturel: Dans quel contexte le théâtre est-il né à Genève?

Serge Arnauld: Dans une atmosphère de troubles sociaux. Le théâtre a sans cesse été
convoité et redouté. Il est à l'image du Genevois, qui vit dans la dissimulation de son être
mais qui nourrit de hautes ambitions – ne parle-t-on pas de la «grande gueule genevoise»?
Son histoire, et ses difficultés surtout, remonte à l'époque de Calvin et de Rousseau.

Sont-ils pour ou contre le théâtre?

Tous deux se méfient du théâtre, mais pour des raisons très différentes. Calvin dénonce
l'absorption dans les images et les idoles. Il bannit toute représentation dans les églises. Il
demande aux hommes de se rencontrer dans l'austérité, le silence et l'obscurité. Or cette
obscurité est éminemment théâtrale. Lorsqu'on est seul face aux Ecritures, on est porté
par les images mentales vers le théâtre – un théâtre imaginaire qui est ce questionnement
de la représentation.

Et Rousseau?

Rousseau se méfie du théâtre comme distraction des populations. Pour lui, Genève brille
par le savoir-faire des ouvriers locaux. Ce sont d'ailleurs des gens très instruits –
les horlogers savent le grec, le latin et l'hébreu. Le théâtre ne peut que les pervertir,
gaspiller leur argent et les éloigner du contrat social qui les lie à la cité. Voltaire,
à l'inverse, prône la duplicité humaine. Il incite les calvinistes à se rendre au théâtre
en dehors de la ville. Il montre la vanité du théâtre, tout en relativisant: «Votre problème
n'est pas avec la représentation, dit-il à Calvin et à Rousseau, mais avec le plaisir.
Vous ne savez pas jouir.»

Où sont-ils, alors, ces théâtres?

A Carouge (cité sarde), à Grange-Canal (dans une maison savoyarde), à Châtelaine.
Voltaire, lui, s'installe aux Délices dans le quartier de Saint-Jean. Il fait venir de grands
comédiens comme Le Kain et Mademoiselle Clairon. Suite à ses démêlés avec les autorités
genevoises, il se déplace en 1759 à Ferney et devient propriétaire du château de Tournay
où il reçoit les Genevois pour assister à des pièces de théâtre. L'aristocratie en fait son
instrument contre le pouvoir consultatif accordé à l'autorité religieuse, un pouvoir dont
ce clergé abuse.

Comment se passe la gestion des théâtres à cette époque?

Ils ont une vie assez courte: soit ils sont incendiés, soit ils ferment à cause des conflits
sociaux. Les pasteurs n'en veulent pas. Les bourgeois (qui ont acheté la citoyenneté)
préfèrent se rassembler dans des cercles pour lutter contre les patriciens. Et les natifs
(les plus pauvres) sont excités contre les bourgeois pour obtenir des droits. En 1791,
le théâtre de la place Neuve est fermé à la suite d'une représentation houleuse de
Guillaume Tell de Lemierre. Trois ans plus tard, ce même théâtre est transformé
en filature de coton!

Mais alors, comment le théâtre survit-il à Genève?

Le seul théâtre permanent, c'est la rue, les chansons politiques. Peu à peu, la méfiance et
l'engouement pour le théâtre vont trouver une zone où il est possible d'exister: les
représentations nationales. Au XIXe siècle, il y aura de grandes célébrations liées
aux alliances militaires, la musique patriotique, les Fêtes des vignerons pour cimenter la
cohésion sociale.

Le théâtre s'adresse-t-il alors toujours au même public?

Le climat politique est complètement différent. Dès 1840, le pouvoir radical donne une
stabilité au théâtre à Genève. La Ville s'en sert d'ailleurs comme levier politique pour
obtenir son indépendance par rapport au canton. Elle fait en sorte qu'il y ait un pouvoir
électif pour distraire la population laborieuse. Le théâtre acquiert une pérennité parce
qu'il est relié à la vie sociale. Son dogme – le libre accès au plaisir – est une manière
d'éduquer le public. On fait jouer l'opéra-comique et l'opérette française. D'ailleurs
l'imagerie française est omniprésente, puisqu'en 1879, Genève inaugure un nouveau
théâtre calqué sur le palais Garnier de Paris.

Le XXe siècle poursuit-il sur cette lancée?

Le lien entre la société et le théâtre se détériore peu à peu. L'opéra exerce une fascination
de plus en plus forte sur les classes aisées. Le répertoire s'élargit considérablement.
Aujourd'hui, il n'est pas encore devenu un fast-food. Viendra un jour où les productions
seront un pur produit de consommation fabriqué de Pékin à Los Angeles. Le théâtre
perdra alors complètement son lien avec la société, et la question de la représentation
n'aura plus lieu d'être.

Julian Sykes


  Le Courrier, samedi 19 février 2005
Le théâtre et Genève, entre attraction et répulsion

Beau-Livre - Un coffret dévoile le rapport qu'entretient la cité avec le spectacle.

En l'honneur des 125 ans du Grand Théâtre de Genève, l'Association Place-Neuve
publie trois volumes illustrés, réunis en un coffret, retraçant l'histoire de la scène genevoise.
Intitulé Genève - Oser paraître. Mentalités, goûts et moeurs au regard du théâtre, il est
signé Serge Arnauld, compositeur né à Genève qui a fondé le Festival international des
compositeurs des Académies étrangères. En fin connaisseur, il est l'auteur de plusieurs
ouvrages pour le théâtre dramatique et lyrique.

SOUFLE GAULOIS
Le premier tome, Miroirs, révèle entre autres le rapport ambivalent qu'a entretenu, dès le
XVIè siècle, la cité calviniste avec le théâtre. Tantôt adulé, tantôt critiqué, ce dernier a
souvent suscité la controverse: "Ce Spectacle à la fois convoité et redouté est le jeu le plus
dangereux qui soit car, sous le prétexte de divertir, il révèle l'intimité entre une cité son
image", écrit l'auteur.
Mirages, le second volume, souligne l'influence qu'a exercée la France sur le "caractère
genevois" et les comédiens, de la Révolution française à l'annexion de Genève par sa
voisine, jusqu'à l'indépendance retrouvée.
Enfin, dans le dernier tome, Blandices, Serge Arnauld revient sur une époque plus récente
et se penche sur la production du Grand Théâtre de Genève entre 1989 et 2003. Il retrace
ainsi les opéras qui, de Carmen de Bizet à Don Juan de Mozart, ont séduit le public
genevois.

Marie Bertholet



  La Grange No 77, décembre, janvier, février 2004-2005
Genève - Oser paraître
Mentalités, goûts et moeurs au regard du théâtre (560 pages)

Aimez-vous Genève? Aimez-vous le théâtre? Avez-vous un doute sur ces amours?
Aimez-vous ce doute? Vous êtes alors l'amoureuse d'une cité ou l'amatrice d'art
susceptible de comprendre d'emblée le titre de cet ouvrage: Oser paraître. Avec moi
vous ressentez l'approche contradictoire proposée par les deux verbes accolés:
ce frein et cet élan que cette ville cultive. Voilà principalement ce qui se réfléchit
dans cet ouvrage et désigne les trois volumes qui le composent. Miroirs: culte sans
image, culture de son image. Mirages: l'empreinte et l'intuition. Blandices: le
Spectacle de la Cité. Ces trois livres sont réunis dans un coffret dont on a appris, à la
lecture d'un bulletin de souscription, qu'il était "luxueux" - ce qui fait sourire de nos
jours, tant ce qualificatif est banalisé. Cet ouvrage fait l'expérience de ce nous montrons
et avons montré de nous-mêmes; ce qui nous fait réfléchir à une manière d'être par la
rétention ou la profusion d'images: quels sont ces mentalités? Deux exemples: quelle
est la force de représentation de Guillaume Tell, figure naturalisée, notamment par
les révolutionnaires français de 1789? Quelle est la grandeur "épique" du concierge
Griffon, gardien du Collège de Genève, héros pour les enfants des générations
marquées par l'audace et la retenue si propres à leur éducation?

Mireille S. Billon




  Tribune des Arts, No 327 décembre 2004
Magazine de la "Tribune de Genève"

Genève, ce grand théâtre
Sous la plume de Serge Arnauld, la cité du bout du lac dévoile son
histoire déterminée par l'accès aux plaisirs, son identité à double visage
qui la rend si attachante.

Dire Genève, c'est dire son combat pour le théâtre. Dire Genève, c'est parler de
l'obscurité dans laquelle Calvin voit la lumière; c'est aussi parler des droits et des libertés
dont Rousseau annonce la venue et qui conduiront à marcher dans des clartés attendues,
contre tout obscurantisme. Dire Genève, c'est ruminer en secret la devise de cette cité:
post tenebras lux. Genève est un foyer.
Genève - Oser paraître, un ouvrage en trois volumes, réunis dans un coffret, dû à la
plume de Serge Arnauld et édité par Place-Neuve éditions, évoque ainsi 500 ans (du
XVIe au XXe siècle) de vie genevoise. Il la compare à un théâtre tout en racontant
l'histoire de son théâtre lui-même.
Il est possible, note Serge Arnauld, que l'attachement à une ville puisse se rapporter à
la façon dont Carmen est perçue par Don José: "Elle mentait, Monsieur, elle a toujours
menti. Je ne sais pas si dans sa vie cette fille-là a jamais dit un mot de vérité; mais quand
elle parlait, je la croyais, c'était plus fort que moi." L'auteur évoque une mise en scène
de la cité qui nous parle du plaisir comme le couturier s'attache à habiller la femme; une
scénographie qui décrit l'accès aux plaisirs: la distraction, l'instruction et la fascination
de soi. Ainsi s'expliquent les trois titres des volumes qui évoquent l'environnement de
la célèbre bohémienne: la fumée chère à Carmen. Ce sont Miroirs, Mirages et Blandices.

Dans les vêtements de son voisin
A Genève, ce sont surtout Carmen et Faust qui ont rempli les salles du théâtre. Cette
épreuve de la fugacité des choses et des êtres, cette tentation de l'instant qui donne au
temps un goût d'éternité, le démon et ses charmes, rien ne pouvait mieux exciter la
retenue des caractères locaux, rien ne pouvait mieux troubler la vocation d'éducateur
qui a longtemps régné dans la cité du bout du lac.

Comment Calvin et Rousseau, qui se sont opposés à l'installation du théâtre, ont permis
cependant que le théâtre s'imposât, non point pour braver ces oppositions, mais en tant
que conséquences de la réforme théologique de l'un et de la philosophie politique de
l'autre. Par le développement de la conscience individuelle et sociale.

Genève est une ville où l'on parle français, mais qui n'est pas une ville française.
Néanmoins, la plupart des directeurs du Théâtre de Genève ont été des entrepreneurs
de spectacles français. Le Grand Théâtre lui-même est inspiré par l'éclat du Palais
Garnier à Paris. Pourquoi une ville si fière de son ouverture d'esprit, s'admire-t-elle
dans les vêtements de son voisin? Etre soi-même et être un autre, cette activité de
l'acteur, cette duplicité comme valeur conciliante et source de tensions à la fois, ce
rôle n'est-il pas le destin véritable du citoyen, à la fois indigène et étranger?

Mireille S. Billon




  Télévison Suisse Romande
Zig Zag Café du jeudi 16 décembre 2004

Diffusion: jeudi 16 décembre 2004, 13:15 sur TSR1
Rediffusion le 16 décembre 2004, à 23h00 sur TSR2